intraordinaire 

michel v mange des enfants.

par Michel Valdrighi, 3X ans, bonne à tout faire du web le jour, superhéros injustement méconnu la nuit.

mots

du procès comme une fin en soi

« Alors, le prévenu est-il coupable ou non coupable ?
— La chose est claire : il est, de toute évidence, innocent, a répliqué Mlle Y. d’un ton irrité.
Le tapage a redoublé.

« Ce que vous dites là est déconcertant.
— Déconcertant ? Pas le moins du monde ! Ou alors, pourquoi m’a-t-on citée ici ? Comment ! Vous oseriez rejeter la disposition d’un témoin comme étant dénuée de base solide ! Il n’y a pas de loi qui le spécifie !
— C’est exact. Mais les autres disent qu’il est coupable ; vous ne faites qu’embrouiller tout pour rien. C’est l’un ou l’autre, et il n’y a qu’à trancher !… Bon. Voilà une affaire, on peut le dire !, qui nous donne du fil à retordre !
— Il n’y a rien là que de tout à fait normal ! Sans quoi des procès comme celui-ci n’auraient aucune raison d’être ! »

J’ai trouvé l’attitude, la réponse de Mlle Y. intrépides, véritablement héroïques. J’en ai été profondément touché et je me suis promis que si je me tirais sain et sauf de ce procès, il me faudrait à tout prix lui faire part de mon sentiment.

« Néanmoins, selon mon opinion personnelle, a poursuivi l’un des deux philosophes d’une voix ensommeillée, il ne m’apparaît pas qu’il en doive être nécessairement ainsi.
« Pour la raison que, si procès il n’y avait pas, il n’y aurait pas non plus d’accusé ; et que s’il n’y avait plus d’accusé, il ne serait plus possible qu’il y eût crime. Or, admettre l’impossibilité du crime reviendrait à dire que le vol n’a pu être perpétré, quand bien même, il y aurait eu intention de voler. D’où résulte que c’est parce qu’un sujet a eu l’intention de dérober un objet et a pu librement le dérober que, dans notre monde, il est d’absolue nécessité qu’il y ait procès. »

Un peu partout, des applaudissement ont accueilli ces paroles. Si clairsemés qu’ils fussent, le philosophe pourtant, la mine épanouie de satisfaction, a poursuivi, mais sa voix, cette fois, était celle d’un homme totalement éveillé :

« Ainsi, la réalité effective de la présente audience doit être considérée comme la preuve que le prévenu aspire à être coupable !
— Comment peut-on sortir des arguments aussi ineptes ? », a lancé Mlle Y. dans le feu de la colère. À quoi l’autre philosophe, d’un air ennuyé :
« Que l’argumentation soit inepte, c’est ce qui est établi de longue date. Cela dit, et ceci étant posé comme une vérité d’évidence, nous n’avons pas de temps à gaspiller.
Une vérité d’évidence est une chose sacrée ! »

Kôbô Abe, Le Crime de M. Σ. Karma

2008/12/19 16:51 | 0 commentaires | tags :

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